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vives dans son teint coloré, brillèrent davantage encore, et, s’avançant jusqu’à eux qui se taisaient devant son approche, il dit à la baronne, tout naturellement, — mais la bonhomie du ton soulignait encore l’ironie de la phrase :

— « Je n’ai pas aperçu votre amie, Mlle Marsh, ce soir. Est-ce qu’elle n’est pas ici ? »

— « Elle m’avait promis de venir, » répondit Mme de Carlsberg : « elle est sans doute souffrante… »

— « Vous ne l’avez donc pas vue aujourd’hui ? » demanda le prince.

— « Si, ce matin… Votre Altesse me dira-t-elle pourquoi elle me pose ces questions ? »

— « Mais, » fit l’archiduc, « c’est que je m’intéresse très particulièrement à toutes les personnes auxquelles vous vous intéressez… »

En prononçant ces paroles d’une insolence railleuse, les yeux du mauvais homme posèrent sur Hautefeuille un regard si sauvage que celui-ci en éprouva une commotion presque magnétique. Ce ne fut qu’un éclair, et déjà le prince était dans un autre groupe, causant de chevaux, cette fois, et du dernier Derby avec l’anglomane Navagero, sans plus prendre garde aux deux amants qui se séparèrent après quelques minutes d’un silence lourd de sous-entendus.

— « Il faut, » dit Mme de Carlsberg, « que j’aille parler à Andriana. Je connais trop le prince pour n’être pas sûre que sa bonne humeur cache quelque cruelle vengeance. Il a dû trouver le