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être moral s’y retrempe, s’y repétrit, s’y recrée, comme on réapprend à ce contact la foi au bien, la magnanimité dès généreuses indulgences, la noblesse de la charité, comme on s’y lave des honteuses rancunes, des vilains sentiments et de leur souillure. Olivier avait épousé une enfant de son choix, dont il était aimé, sans doute, et qu’il aimait. Pourquoi n’aurait-il pas subi, lui aussi, la bienfaisante influence de la jeunesse et de la pureté ? Et alors, ou trouverait-il la force de faire du mal à une femme dont il avait pu souffrir, qu’il pouvait juger sévèrement, iniquement, mais dans l’actuelle sincérité de laquelle il lui faudrait bien croire ? — Ely espérait dans cela encore, dans cette vérité de sa passion pour Pierre, dans l’évidence qu’Olivier aurait du bonheur de son ami. Elle se disait : « Le premier mouvement de défiance une fois passé, il réfléchira, il s’enquerra. Il saura que je n’ai eu vis-à-vis de Pierre aucun des défauts dont il m’a fait jadis des crimes : ni orgueil, ni légèreté, ni coquetterie… » Elle avait été si simple, si droite, si honnête dans cet amour ! Comme toutes les personnes que possède un sentiment très complet, il lui semblait impossible que l’on pût méconnaître la bonne foi de son cœur. — Et puis, elle espérait dans leur honneur à tous les deux : dans celui de Pierre, d’abord, qui, non seulement ne parlerait pas, elle en était sûre, mais qui, en outre, emploierait toute sa force à ne pas se laisser deviner même par son plus intime ami ; dans l’honneur d’Olivier ensuite : elle le savait si