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soit tôt, ça évite les gaffes… » Et il répondit : « S’il en est amoureux ! J’ai vu naître ça… Il l’adore, tout bonnement… »

— « Et elle ? » interrogea Olivier.

— « Elle ? » répliqua Corancez. « Elle en est folle ! … » Et, s’applaudissant de sa perspicacité, il se dit : « Au moins, je suis tranquille maintenant : Du Prat ne commettra pas d’impair ! … »

Pour une fois, ce railleur ne saisissait pas lui-même la prodigieuse ironie de ses propres réflexions, et il était aussi naïf que sa clandestine épouse, la toute simple Andriana, qui, ayant retrouvé Mme Du Prat devant une table de roulette, répondait aux questions tremblantes de la jeune femme sans s’apercevoir de ce trouble, avec la plus imprudente sérénité.

— « Vous avez parlé, dans le train, d’une baronne Ely… Quel drôle de nom ! »

— « C’est un diminutif d’Elisabeth assez fréquent en Autriche. Seulement elle l’écrit, je ne sais pourquoi, avec une y au lieu d’un i… »

— « Alors cette dame est une Autrichienne ? »

— « Comment ! vous ne la connaissez pas ? Mais c’est Mme de Carlsberg, la femme morganatique de l’archiduc Henri-François… Vous la rencontrerez à Cannes, certainement. Et vous verrez comme elle est belle, et bonne, et sympathique ! … »

— « Est-ce qu’elle n’a pas habité Rome autrefois ? … » demanda encore la jeune femme. Comme son cœur battait à oser cette question à