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se brûler la cervelle. Entre ce convive visiblement mal à son aise et la jeune femme toujours rieuse, et qui ne soupçonnait rien, se tenait un personnage de mine ignoble, les bajoues tombantes, les yeux perçants, inquisiteurs, brutaux, dans un masque de chair sanguin, une rosette d’officier à la boutonnière, qui faisait une manifeste cour à la jeune femme. Entre Yvonne et Chésy, une seconde femme était assise, dont Olivier ne voyait d’abord que la nuque. Puis il observa qu’une fois, deux fois, trois fois, quatre fois, cette femme se retournait pour regarder vers leur table, à eux… Il y avait, dans l’attitude de cette inconnue, quelque chose de si étrange, la préoccupation qu’elle montrait du groupe formé par les Du Prat et par Hautefêuille contrastait si fort avec sa tenue, avec l’expression réservée de son visage, qu’Olivier eut un éclair de nouvelle espérance. Si cette femme, jolie et fine, avec une expression si doucement intéressante, était cette maîtresse aimée de Pierre ? Et, comme distraitement, il demanda :

— « Avec qui donc dînent les Chésy ? Qui est cet homme décoré ? … »

— « C’est Brion, le financier, » dit Hautefeuille ; « et cette charmante femme en face de lui, c’est sa femme… »

Olivier regarda de nouveau dans la glace ; et, cette fois, il surprit les yeux de Mme Brion fixés bien évidemment sur lui. Sa mémoire, si absolument fidèle pour ce qui touchait à son passé Romain, lui rappela ce nom qu’il entendit en souvenir