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di Galles, et lui, Navagero, manquer à ce rendez-vous-là, never ! »

Il s’était amusé, en prononçant cette phrase, en trois langues, qui persiflait moqueusement l’anglomanie de son futur beau-frère, à imiter l’accent britannique de ce dernier, avec une mimique si gaie que la marquise essaya bien de l’arrêter en lui disant :

— « Ne soyez pas si mauvais ! … »

Mais, en même temps, elle caressait avec le revers de son éventail la main de celui qu’elle considérait comme son fiancé. Malgré sa plaisanterie à l’adresse du tyran domestique dont la marquise osait à peine sourire, Corancez, lui aussi, jugeait le voisinage d’Alvise dangereux, car il essaya de clore cet entretien désormais inutile :

— « Vous avez raison, » dit-il ; « quand on est heureux, on doit être bon. Mais c’est que je vous voudrais aussi heureuse que moi et aussi confiante. Et avant de vous quitter je veux vous prédire, heure par heure, tout ce qui se passera le 14. Vous verrez si votre ami n’est pas prophète… Vous savez ma ligne de chance, » ajouta-t-il en montrant la paume de sa main, « et vous savez ce que j’ai lu, dans votre jolie main, à vous. » C’était une de ses ruses et de ses superstitions à la fois, que de faire, dans les salons, le sorcier et le chiromancien ; et il continua, avec cet accent de certitude qui suggestionne les irrésolus et leur insuffle la fermeté : « Vous aurez, pour aller à Gênes, une traversée magnifique. Vous m’y trouverez,