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qui l’écœuraient, lui manquent pourtant comme la morphine au morphinomane à qui l’on a enlevé sa seringue de Pravaz, comme l’alcool à l’alcoolique mis au régime de l’eau claire. Il éprouve la nostalgie de ces émotions malsaines dont il a reconnu et condamné lui-même la douloureuse stérilité. S’il est permis d’emprunter une brutale mais exacte comparaison à la pathologie moderne, il devient le plus favorable terrain de culture pour les divers germes morbides qui flottent dans son atmosphère, et à l’époque même où tout semblait annoncer une pacification définitive de sa destinée, des bouleversements se produisent chez lui, pareils à ceux donc Olivier fut le théâtre, si rapides, si foudroyants que les témoins et les victimes de ces soudaines explosions de maladie en demeurent presque plus déconcertés que désespérés.

Il avait donc passé la nuit à discuter avec lui-même tous les détails, significatifs ou non, observés dans l’après-midi et dans la soirée, depuis le moment ou il avait remarqué l’intimité inattendue de Pierre avec Corancez, jusqu’à celui où, venu dans la chambre de son ami sur un espoir d’explication, il avait trouvé cette chambre vide. Vers les cinq heures, il s’endormit de ce court et pesant sommeil que l’on a en chemin de fer, au matin. Il eut un rêve en accord avec les préoccupations de son insomnie, mais qui exaspéra encore son inquiétude par une apparence de pressentiment. Il se vit auprès d’Ely de Carlsberg, à Rome, dans