Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/272

Cette page n’a pas encore été corrigée

les tableaux des maîtres faisaient mon désespoir à Rome. On entre dans un salon : sur un coin de canapé on voit un Luini qui cause avec un Corrège. On s’approche. Le Luini est en train de raconter au Corrège le dernier roman français, le plus malpropre et le plus bête généralement, et le Corrège écoute le Luini avec un intérêt qui vous dégoûte à jamais des madones de l’un et l’autre peintre ! … Mais ça marchait bien, comme partie cosmopolite, votre bateau ; deux Américains, une Italienne, un Français… Quels étaient les autres peuples représentés ? »

— « La France encore, — Paris plutôt, — et l’Autriche, voilà tout… Paris par les deux Chésy. Tu connais la femme : Yvonne… Cela ne te dit rien ? … Mlle Bressuire… »

— « Celle que ta sœur voulait me faire épouser, qui montrait ses épaules jusqu’au bas des reins et qui, à seize ans, se faisait déjà la figure ! … Quel est son amant ? »

— « Mais c’est la plus honnête petite femme du monde ! » répliqua Hautefeuille.

— « Alors, elle représentait médiocrement Paris, » dit Olivier… « Passons à l’Autriche… »

— « L’Autriche ? … » répondit Pierre. Il hésita une seconde. Il savait bien qu’il lui faudrait tôt ou tard mentionner sa maîtresse devant Olivier, et s’il avait parlé du voyage en yacht, c’avait été pour la nommer dès cette première conversation. Et voici qu’il avait peur. Quel commentaire provoquerait le nom idolâtré chez son ironique ami ?