Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/243

Cette page n’a pas encore été corrigée

excellent dom Fortunato, » dit-elle, et elle montra une petite brochure qu’elle tenait à la main, « je croirais que j’ai rêvé… Il vient de me la remettre avec grande cérémonie, en m’annonçant que ce poème est imprimé à quatre exemplaires chez l’imprimeur qui travaillait pour les proclamations de Manin, notre dernier doge. Il y en a un pour Corancez, un pour Fregoso, un pour l’abbé lui-même, et celui-ci… Oui, je croirais que j’ai rêvé… »

— « Et moi de même, » dit Florence Marsh, « si cette tête de marbre n’était pas si lourde, » et elle soupesa de ses petites mains l’étrange cadeau dont l’avait honorée l’archéologue… « Mon Dieu, que je voudrais visiter ce musée sans le prince ! J’ai l’idée qu’il nous a tous hypnotisés et que s’il n’était pas là nous ne verrions plus rien… Tenez, le sourire de cette tête, nous l’avons vu tout à l’heure, quand Fregoso nous le montrait ? … Maintenant, je n’en trouve plus trace. Et vous ? »

— « Ni moi… Ni moi… Ni moi… » s’écrièrent ensemble Ely de Carlsberg, Andriana et Hautefeuille.

— « Il est certain, » dit celui-ci en riant, « que j’ai vu pleurer la Niobé, qui n’avait pas d’yeux et pas de joues. »

— « Et moi, » dit Mme de Carlsberg, « courir l’Apollon, qui n’avait pas de jambes. »

— « Et moi, » dit Andriana, « respirer la Junon, qui n’avait pas de poitrine. »

— « Corancez m’avait prévenu, » fit Hautefeuille.