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se prête aux mouvements. La statue s’anime. Elle marche… Admirez l’ampleur de ce torse sous le péplos, cette tunique collante étalée en plis verticaux sur ce côté, en éventail sur l’autre, cette pose de la déesse sur sa jambe droite, la gauche en avant… Elle marche, elle vit… O Beauté ! … Et ces Apollons ! … »

Il montrait, maintenant, sans pouvoir parler, tant la fièvre de son enthousiasme l’exaltait, trois torses d’une pierre devenue roussâtre à force d’avoir séjourné dans quelque terrain ferrugineux, sans tête ni bras, montés sur des jambes dont il ne restait que des moignons.

— « Est-ce que ce n’est pas le type de ceux d’Orchomène, de Théra et de Ténéa ? » demanda miss Marsh.

— « Justement ! » reprit le prince avec une joie qui ne se contenait plus. « Ce sont des images funéraires, la statue d’un mort divinisé en Apollon… Et dire qu’il y a des barbares pour prétendre que les Grecs sont allés chercher leur art en Égypte et en Mésopotamie ! Est-ce que jamais un Égyptien, un Asiatique ont eu l’idée de cette cambrure, de ce tour du torse et des reins ? Ils n’ont jamais bien fait que l’homme assis, l’idole hiératique et collée au mur… Et ces cuisses ! Homère prétend qu’Achille sautait cinquante pieds. J’ai fait des recherches exactes : c’est le maximum du saut d’un tigre. Cela nous paraît incroyable. Eh bien ! voilà les outils pour des sauts pareils. Il y faut ces muscles. Tout l’art est là : de beaux membres