Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/234

Cette page n’a pas encore été corrigée


— « Tu l’as entendu ? … » disait une heure plus tard Corancez à Hautefèuillle. L’Ite Missa est avait été prononcé, les « oui » solennels échangés, et le déjeuner, où figuraient les rougets meilleurs qu’à Livourne, s’était achevé parmi des toasts, des rires et la lecture de l’épithalame, œuvre patiente de dom Fortunato. Toute la compagnie prenait maintenant le café dans la galerie, et les deux jeunes gens bavardaient contre un angle de fenêtre, auprès de l’Artemis au nez réparé.

— « Tu l’as entendu. Il m’adore, ce bon abbé… Il m’adore même trop, car je suis noble, mais pas si noble que ça ! … En consentant à ce mariage secret, il a donné à Andriana une preuve d’affection incalculable. Il est intelligent comme on ne l’est pas. Voici longtemps qu’il avait jugé le Navagero et qu’il prévoyait, pour ma femme, le plus sinistre avenir, si elle n’échappait pas à cet esclavage. Fin diplomate avec cela, puisqu’il a décidé son ancien compagnon de carcere duro à nous prêter sa petite chapelle. Eh bien ! intelligence, diplomatie, amitié, rien ne tient pour une âme Italienne devant l’orgueil du droit d’aînesse. Il a fallu qu’en sa qualité d’ami du comte Camille, l’abbé nous fît bien sentir que nous sommes, nous autres Français, les cadets de la grande famille Latine. Mais les cadets, dans la circonstance, ont été plus fins que les aînés ! Aussi ai-je pardonné son outrecuidance à dom Fortunato en pensant à la figure que fera mon beau-frère, tout Italien qu’il est, quand on lui exhibera le petit papier où tu viens de signer