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principaux de la légende de saint Laurent, le patron de la cathédrale de Gênes : — Decius égorgeant l’empereur Philippe dans sa tente ; — le jeune fils de l’empereur mort donnant à Sixte les trésors de son père, pour être distribués aux pauvres ; — Sixte conduit au martyre et suivi par Laurent qui lui criait : « Où vas-tu, père, sans ton fils ? Où vas-tu, prêtre, sans ton diacre ? » — Laurent lui-même recevant les trésors à son tour et les confiant à la pauvre veuve ; — puis Laurent emprisonné et convertissant l’officier de garde ; — Laurent dans les jardins de Salluste, y réunissant les pauvres, les aveugles et les boiteux, et disant à Decius : « Voici les trésors de l’Église ; » — Laurent parmi les flammes sur une couche de feu… Le pittoresque des costumes, le caprice des architectures, l’opulence du paysage, l’ampleur du dessin et la chaleur du coloris révélaient l’influence Vénitienne, mais atténuée, adoucie par l’usure du temps qui avait effacé le trop vif éclat, estompé les ardeurs trop chaudes de cette peinture. Elle avait pris des tons légers de tapisserie qui achevaient de donner à ce mariage, célébré dans le vieil oratoire de ce vieux palais, chez un vieux prince Génois, par un vieux prêtre un peu gallophobe, le caractère d’une fantaisie à la fois délicieuse et falote. L’ultra-moderne Corancez, agenouillé à côté de l’héritière des doges, avec dom Fortunato pour les bénir, dans ce décor du xvie siècle, c’était un de ces paradoxes comme la réalité seule ose en fournir, à ne pas y croire.