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choisi, par nécessité, un coin de ce caravansérail mondial pour se livrer à cette romanesque conspiration était composé d’un jeune homme et de deux femmes. Le jeune homme paraissait avoir trente-deux ans. C’était aussi l’âge d’une des deux femmes, de celle qui servait de chaperon à l’autre : une jeune fille de dix ans moins âgée. Pour achever de donner son plein caractère de paradoxe à cette conférence matrimoniale installée dans la longue pièce en couloir qui sépare les salles de la roulette et celles du trente-et-quarante, il convient d’ajouter que la jeune fille chaperonnait en réalité son chaperon officiel et que le projet de ce mariage secret ne la concernait en rien. Elle était assise à l’extrémité du divan et faisait le guet, tandis que son amie et le jeune homme causaient ensemble. Rien qu’à la voir ainsi fouiller sans cesse de ses beaux yeux bruns la foule des allants et venants, vous eussiez reconnu en elle une étrangère, et, presque tout de suite, une Américaine. Elle avait, dans toute sa physionomie, cette assurance énergique d’une personne habituée depuis l’enfance à se gouverner et qui, du jour où elle se met au-dessus des conventions, sait du moins pourquoi et n’en a nulle honte. Elle était jolie, de cette joliesse déjà si faite, qui, relevée par une toilette presque trop à la mode, donne aisément aux Professionnelles Beautés des Etats-Unis un aspect de femmes-objets, de créatures fabriquées pour une exposition. Elle avait des train fins, jusqu’à en être menus, dans un visage d’une construction