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— « Et puis vous avez cru que j’étais fâchée contre vous, » fit-elle, « parce que j’ai passé vite et sans presque vous parler… Je venais de voir le profil de Iago-Laubach… C’est un tel charme ici, de penser que toutes les personnes qui sont à bord sont des amis, incapables d’une perfidie ! Marsh, sa nièce, Andriana, c’est l’honneur même… Les petits Chésy sont bien légers, bien frivoles, mais pas une vilenie chez eux » . Le voisinage d’un traître, même lorsqu’on n’a pas peur de lui, cela gâte les plus chères minutes. Et cette minute si on me la gâtait, ce serait vraiment trop triste… » — « Que je vous comprends ! » répondit-il en lui jetant un regard fin et tendre, celui d’un amant qui retrouve avec délices ses façons de sentir dans les façons de sentir de ce qu’il aime. « Je suis tellement comme vous ! La présence d’une personne méprisable me resserre physiquement le cœur… L’autre soir, quand j’ai rencontré chez vous ce Navagero dont Corancez m’a tant parlé, la seule vue de ce coquin m’a empoisonné ma visite. J’avais pourtant là cette lettre que vous m’aviez écrite la veille, vous savez, celle qui finissait : « Aimez-moi plus que trop et ce ne sera pas assez… » Ils se sourirent, et lui, rêveur, suivant sa pensée, continua : « C’est étrange que tout le monde ne sente pas de même sur ce point. Pour certains êtres, et d’excellents, constater l’infamie humaine est presque une joie. J’ai un ami qui est ainsi : cet Olivier Du Prat dont je vous ai parlé et que vous avez connu à Rome… Je ne l’ai jamais vu si