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conversation sur ce terrain où cette prudente conseillère l’avait tant suppliée de la maintenir. Timide et gauche effort que démentaient maintenant ses yeux, agrandis par son trouble, son sein soulevé par un involontaire soupir, sa voix où tremblait son cœur ! — « Non, » répétat-elle, « je n’en ai jamais douté. Mais vous savez vous-même les malveillances du monde, et vous voyez que votre démarche a été remarquée, puisqu’on vous en a écrit… »

— « On ne m’en écrira pas deux fois, » interrompit le jeune homme : « ces malveillances, ces férocités du monde, je n’avais pas besoin de cette lettre pour les comprendre… Ce que j’ai compris encore plus nettement, tout à l’heure, » ajouta-t-il avec la fermeté mélancolique des adieux qui ne veulent pas pleurer, « c’est mon devoir. Il est tout tracé maintenant. Cette indiscrétion d’avant-hier, et d’autres que j’ai pu commettre, il est heureusement en mon pouvoir de les réparer, et je suis venu vous dire tout simplement : — Madame, je vais m’en aller… m’en aller, » répéta-t-il, « quitter Cannes, et, si vous me permettiez d’espérer que vous me rendez toute votre estime en voyant comme j’agis à présent, je partirais, non pas heureux, mais moins triste… »

— « Vous en aller ? » répéta Ely à son tour. Elle redit, une fois encore : « Vous voulez vous en aller ?.. » Elle regarda le jeune homme bien en face. Elle vit cette physionomie délicate, ce regard ému, dont la douceur caressait en elle une place