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Le billet qui venait ainsi de porter à son comble l’inquiétude de Pierre, avait naturellement été dicté à Ely de Carlsberg par Mme Brion. C’était la première mise en œuvre du plan imaginé par la fidèle amie pour couper court et aussitôt à un sentiment dont l’avenir l’épouvantait. Sa perspicacité y entrevoyait d’affreuses douleurs, un drame possible, une catastrophe certaine. Durant les heures qui avaient suivi la passionnée et soudaine confidence de Mme de Carlsberg, elle s’était dit qu’il fallait séparer dès aujourd’hui ces deux êtres, précipités l’un vers l’autre d’un si instinctif élan. Sinon le jeune homme ne tarderait pas à savoir quels sentiments il inspirait à celle qu’il aimait. Toute son ingénuité, toute sa candeur expliquaient à peine qu’il ne les eût pas devinés déjà. Mais, du jour où il connaîtrait la vérité, qu’arriverait-il ? Si ingénue et si candide qu’elle fût elle-même, Louise Brion donnait à cette question la vraie réponse. Qu’une seule parole d’aveu fût prononcée entre Hautefeuille et Ely, et cette dernière irait jusqu’à l’extrémité de son amour. Elle avait trop révélé dans sa confession l’indomptable audace de son caractère, son besoin de