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« avec ses deux chiens, et un ami que je ne connais pas. C’est tout… »

— « Et c’est aussi tout le mot de l’énigme… Mais attendons qu’ils aient passé… Il est avec Herbert Bohun. Il ne daignera pas nous parler… »

Le Vénitien approchait en effet, plus Anglais cent fois que le lord en compagnie duquel il cheminait. Il avait trouvé le moyen, lui, l’enfant de l’Adriatique, de réaliser le type d’un masher de Cowes ou de Scarborough avec une telle perfection qu’il échappait à la caricature. Vêtu d’un complet coupé à Londres dans une de ces étoffes que les Écossais appellent des Harris, à cause de leur lieu d’origine, et qui sentent vaguement la tourbe, le bas du pantalon retroussé, comme à Londres, quoique depuis huit jours il ne fut pas tombé une goutte de pluie, le pas allongé, la jambe raide, tenant ses gants d’une main, et de l’autre sa canne par le milieu, le visage rasé et tendu sous la casquette d’une étoffe pareille à celle du veston, il fumait une courte pipe en bois de bruyère, de la forme qu’affectionnent les Oxoniens. Deux petits terriers, de la race propre à l’île de Skye, trottinaient derrière lui, traînant un corps trois fois plus long que leur hauteur, de vivants manchons de poils, montés sur des pattes de bassets, torses et courtes. De quelle partie de tennis arrivait Navagero ? A quelle partie de golf se rendait-il ? La couleur rousse de ses cheveux, de ce roux qui se retrouve dans les tableaux de Bonifazio, achevait de le rendre si pareil à lord