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notre prière vers les plaies d’où jaillit le sang réparateur ?

Car tu sièges au sein de tes égaux antiques,
Sous tes longs cheveux roux, dans ton ciel chaste et bleu.
Les âmes, en essaim de colombes mystiques.
Vont boire la rosée à tes lèvres de Dieu[1].

Oui, l’arrière-fond de toute religion est un état moral que nous pouvons retrouver en nous à une heure donnée, et, à cette heure-là, ce qui fut un dogme pour nos frères des siècles lointains nous devient un symbole. Mais ce serait une erreur de considérer le symbolisme comme une opération artificielle de notre esprit. Qu’est-il autre chose que l’union de l’image et de l’idée, de la forme et du sentiment, et, à proprement parler, dans cet univers où nous ne saisissons aucune essence, vivons-nous d’autre chose que de symboles ? L’histoire elle-même n’est-elle pas la succession des symboles par lesquels s’est manifestée l’infatigable Psyché, cette âme humaine toujours en route vers le mirage du bonheur suprême et du progrès ? Qui soutiendra qu’en refaisant par la pensée quelques-unes de

  1. Poèmes barbares.