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LE DISCIPLE

le bruit de la détonation, un cri d’agonie, et, quand on accourut, on trouva le comte André debout contre le mur, qui jeta son arme et, croisant les bras, dit simplement, en montrant le corps de l’amant de sa sœur à ses pieds :

— « J’ai fait justice. »

Et il se laissa arrêter sans résistance.

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Durant la nuit qui suivit cette scène tragique, certes, les admirateurs de la Psychologie de Dieu, de la Théorie des passions, de l’Anatomie de la volonté, eussent été bien étonnés s’ils avaient pu voir ce qui se passait dans la chambre no 3 de l’hôtel du Commerce, et lire dans la pensée de leur implacable et puissant Maître. Au pied du lit où reposait un mort, le front bandé, se tenait agenouillée la mère de Robert Greslou. Le grand négateur, assis sur une chaise, regardait cette femme prier, tour à tour, et ce mort qui avait été son disciple dormir du sommeil dont dormait aussi Charlotte de Jussat ; et, pour la première fois, sentant sa pensée impuissante à le soutenir, cet analyste presque inhumain à force de logique s’humiliait, s’inclinait, s’abîmait devant le mystère impénétrable de la destinée. Les mots de la seule oraison qu’il se rappelât de sa lointaine enfance : « Notre Père qui êtes aux cieux… » lui revenaient au cœur. Certes, il ne les prononçait