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LE DISCIPLE

vieille ville parlementaire, avec ses grands hôtels aux hautes fenêtres, bâtis en pierre noire de Volvic, semblait plus vide, plus silencieuse, plus morte encore que d’habitude, tandis que le frère de Charlotte marchait vers la Cour. Puis brusquement, aux abords du Palais, c’était une foule serrée et qui remplissait l’étroite ruelle Saint-Louis par où l’on accède à la salle des assises. L’affaire Greslou avait attiré tous ceux qui pouvaient disposer seulement d’une heure. André eut de la peine à fendre les groupes, composés de paysans venus de la campagne et de petits boutiquiers qui discutaient avec une animation passionnée. Il arriva devant les deux marches qui mènent au vestibule. Deux soldats s’y tenaient, chargés de contenir le peuple. Le comte sembla hésiter, puis au lieu d’entrer il poussa jusqu’au bout de la ruelle. Il se trouva devant une terrasse plantée d’arbres nus, et qui, jetée entre les murs sinistres de la maison centrale et la masse sombre du Palais, domine la plaine immense de la Limagne. Une fontaine en charme d’ordinaire le silence avec le bruit de son eau, et ce bruit restait perceptible encore malgré la rumeur de la foule pressée dans la rue voisine. André s’assit sur un banc, près de cette fontaine. Depuis, il n’a jamais su expliquer pourquoi il était resté là plus d’une demi-heure, ni quelle raison précise l’avait fait se lever, marcher vers l’entrée du