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LE DISCIPLE

homme affamé d’honneur, ce qu’il était capable de supporter. Son trouble de la veille, qu’il avait cru fini, se réveilla de nouveau, rendu plus intolérable par le retour de son père, qui lui dit :

— «  On a entendu les témoins… J'ai déposé… Mais ce qui a été dur, ç’a été de me trouver dans la petite salle, avant l’audience, avec la mère de Greslou… C’est une chance encore qu’elle ne soit pas descendue ici… Elle est à l’hôtel du Commerce, où elle a osé me supplier de venir pour causer avec elle, dans une scène qu’elle m’a faite. Quelle scène !… C’est une figure à ne pas l’oublier, une face sinistre, avec des yeux noirs qui ont comme un feu sombre dans les larmes… Elle a marché sur moi et elle m’a parlé… Elle m’a adjuré de dire que son fils était innocent, que je le savais, que je n’avais pas le droit de déposer contre lui. Oui, la terrible scène, et que le gendarme a dû interrompre !… La malheureuse ! Je ne peux pas lui en vouloir… C'est son fils… Quelle étrange chose qu’un scélérat comme celui-là puisse encore avoir au monde un cœur qui l’aime ainsi, comme j’aimais Charlotte, comme je t’aime !… N’importe !… » continua le cruel vieillard. « Il est une heure… Le procureur général va parler… Puis la défense… Entre cinq et six heures, nous aurons le verdict… Que cela me rassasiera le cœur de le regarder pendant l’énoncé