Page:Bourget - Le Disciple.djvu/342

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
341
LE DISCIPLE

tématique, ce mot signifiait ; « Cessez de croire à ce que je vous ai démontré comme vrai ? » Et, pourtant c’est affreux de voir une âme mourir sans rien essayer pour elle. Arrivé à ce point de sa méditation, le penseur se sentait acculé à l’insoluble problème, à cet inexpliqué de la vie de l’âme, aussi désespérant pour un psychologue que l’inexpliqué de la vie du corps pour un physiologiste. L’auteur du livre sur Dieu, et qui avait écrit cette phrase : « Il n’y a pas de mystère, il n’y a que des ignorances… » se refusait à cette contemplation de l’au-delà qui, montrant un abîme derrière toute réalité, amène la science à s’incliner devant l’énigme, et à dire un « je ne sais pas, je ne saurai jamais », qui permet à la religion d’intervenir. Il sentait son incapacité à rien faire pour cette âme en détresse, et qu’elle avait besoin d’un secours qui fût, pour tout dire, surnaturel. Mais de prononcer seulement une pareille formule lui semblait, d’après ses idées, aussi fou que de mentionner la quadrature du cercle ou d’attribuer trois angles droits à un triangle.

Un événement bien simple acheva de rendre cette lutte intime plus tragique en imposant à ce philosophe une action immédiate. Une main anonyme lui envoya un journal qui contenait un article d’une violence extrême contre lui et contre son influence, à propos de Robert Greslou. Le chroniqueur, évidemment inspiré par quelque