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LE DISCIPLE

rappel nouveau de son nom dans cette singulière analyse, à chaque citation d’un de ses ouvrages qui lui prouvait le droit de cet abominable jeune homme à se dire son élève. Une fascination faite d’horreur et de curiosité l’avait contraint d’aller d’un trait jusqu’au bout de ce fragment de biographie dans lequel ses idées, ses chères idées, sa Science, sa chère Science, apparaissaient unies à des actes honteux, Ah ! si elles y avaient été seulement unies ! Mais non, ces idées, cette Science, l’accusé de Riom les revendiquait comme l’excuse, comme la cause de la plus monstrueuse, de la plus complaisante dépravation ! À mesure que Sixte avançait dans le manuscrit, il lui semblait qu’un peu de sa personne intime se souillait, se corrompait, se gangrenait, tant il y retrouvait des choses de lui-même, mais un « lui-même » cousu, par quel mystère ? aux sentiments qu’il détestait le plus au monde. Car dans ce philosophe illustre les saintes virginités de la conscience demeuraient intactes, et, derrière le hardi nihiliste d’esprit, un noble cœur d’homme naïf se dissimulait toujours. C’était là, dans cette conscience intacte, dans cette honnêteté irréprochable, que le maître du précepteur félon se sentait soudain déchiré. Cette sinistre histoire d’une séduction si bassement poussée, d’une trahison si noire, d’un suicide si mélancolique, le mettait face à face avec la plus affreuse vision :