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LE DISCIPLE

les journaux parlaient souvent. Elle chérissait, dans le vieux garçon qui ne vérifiait jamais ses comptes et qui la laissait maîtresse au logis, une source assurée pour son bien-être et les rentes de ses vieux jours. Enfin, elle protégeait, elle, la solide, la robuste, cet être, faible de corps, presque chétif et si simplet, comme elle disait, qu’un enfant de dix ans l’aurait dupé… Aussi de pareils propos la froissaient-ils dans son orgueil, en même temps que l’altération d’humeur si soudaine du savant lui rendait leur commun intérieur presque inconfortable. Par véritable affection, elle s’inquiétait de ce que son maître ne mangeait presque plus et ne dormait guère. Elle le voyait triste, quinteux, malade, et elle n’arrivait pas à l’égayer, ni même à deviner le motif de cette mélancolie grandissante et de cette agitation. Que devint-elle lorsqu’un après-midi du mois de mars Sixte revint vers cinq heures, après avoir déjeuné au dehors, et qu’il lui dit :

— « La valise est-elle en bon état, Mariette ? »

— « Je ne sais pas, monsieur, » répondit la servante. « Monsieur ne s’en est pas servi depuis mon entrée dans la maison… »

— « Allez la chercher, » dit le philosophe.

La fille obéit. Elle apporta d’une soupente qui servait de grenier et de bûcher tout ensemble une mallette en cuir poussiéreuse, aux serrures rouillées, et dont les clefs manquaient.