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LE DISCIPLE

serait alors un prurit de désirs à détruire par l’assouvissement. » Sous le prétexte de quelque affaire de famille à régler, j’obtins du marquis huit jours de vacances, et j’arrivai à Clermont bien résolu de m’y livrer à la plus violente frénésie de débauche avec la première créature venue. Comme j’avais, ces temps derniers, pensé à Marianne à cause du mot que je vous ai cité, je la cherchai. J’eus tôt fait de la retrouver. Ce n’était plus la simple ouvrière d’autrefois. Un propriétaire de campagne l’entretenait ; il l’avait installée, nippée, et, ne venant à la ville qu’un jour sur huit, ce protecteur lui laissait une liberté de petite bourgeoise. Cette demi-métamorphose, jointe à la résistance qu’elle m’opposa d’abord, donnaient à la reprise de cette ancienne histoire un rien de piquant et qui m’amusa vingt-quatre heures. La pauvre fille conservait pour moi, malgré mes duretés lors de notre rupture, un sentiment tendre, et, le surlendemain de mon arrivée, ayant tout organisé pour bien tromper la surveillance maternelle, je passai la nuit dans sa chambre. Mon cœur battait, tandis que je montais l’escalier de la maison qu’elle habitait rue Tranchée-des-Gras, pas très loin de la sombre cathédrale, que je contournai pour aller chez elle. Cette rentrée dans le monde des sens m’émouvait comme un renouveau d’initiation. J’allais savoir jusqu’à quel degré le souvenir de Charlotte gangrenait mon âme. Assis au pied du