Page:Bourget - Le Disciple.djvu/217

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
216
LE DISCIPLE

faire aimer d’elle m’était rendu plus cruel à mesure que j’admirais davantage la grâce ingénue de cette enfant. Pour tout dire, je commençais à subir, dans son atmosphère, des émotions d’un ordre beaucoup plus sensuel que psychologique. J’étais un jeune homme, et j’avais, dans ma chair, malgré mes résolutions de philosophe, cette mémoire du sexe dont vous avez si magistralement analysé les fatalités persistantes et les invincibles reviviscences. L’animal impur, greffé en moi sur l’animal pensant, pour employer une de vos métaphores, par mes expériences voluptueuses, tressaillait au frôlement de cette robe de jeune fille. La souplesse de son buste, celle de ses gestes, son pied apparu au bord de sa jupe, ses épaules un peu maigres devinées sous l’étoffe de son corsage, sa nuque blonde avec ses cheveux simplement relevés au sommet de la tête, un petit signe brun qu’elle avait près de sa bouche fraîche, les moindres détails de sa personne physique, irritaient en moi un vague et presque douloureux désir. Je m’étais préparé à la séduire, et c’était moi qui me sentais séduit, avec quelle révolte cachée, vous le comprendrez après ce que je vous ai dit sur mon orgueil et sur mon ambition de me tenir tout entier en main ! Et vous qui avez si bien montré l’élément de haine farouche qu’enveloppe l’appétit sexuel, vous comprendrez aussi que cette vaine irritation du désir s’accompagnât par ins-