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LE DISCIPLE

d’avoir écouté seulement une confidence d’un ordre si intime constituait de la part d’un être aussi fier et réservé, aussi éloigné de moi par la condition, une preuve d’une sympathie bien puissanté. Je ne m’en rendis pas compte, cette phrase presque sévère, jetée en réponse à cette trompeuse confidence, était dictée en partie par la jalousie secrète que j’avais justement voulu éveiller chez elle, en partie par un besoin de se raidir dans ses propres principes afin de justifier à ses propres yeux son excessive familiarité. De même qu’elle n’avait pas su lire le mensonge dans mon récit, je ne sus pas déchiffrer, moi, la vérité derrière sa réplique. Je restai là, devant la porte refermée, à sentir s’écrouler toutes les espérances que j’échafaudais depuis quinze jours. Non. Je ne l’intéressais pas d’un intérêt véritable et que je pusse transformer en passion. Et d’ailleurs, étais-je niais d’avoir pris mes chimères pour des réalités ! Je fis aussitôt le bilan de nos relations, d’après lesquelles j’avais conçu cette possibilité de la séduire. Quelles preuves avais-je eues de cet intérêt ? Les délicatesses des soins matériels dont elle m’avait enveloppé ? C’était un simple effet de sa bonté. Son attention à épier mon attitude de mélancolie ? Hé bien ! elle avait été curieuse, et voilà tout. L’accent intimidé de sa voix quand elle m’avait interrogé ? J’avais été un sot de n’y pas reconnaître l’habituelle modestie d’une jeune