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LE DISCIPLE

redresser dès maintenant. Vous le trouverez très bon, mais très mou ; il faut qu’il s’apprenne à tout supporter. Exigez, par exemple, qu’il sorte par tous les temps, qu’il marche des deux à trois heures chaque jour. Il est très inexact, et je tiens à ce qu’il devienne ponctuel comme un chronomètre. Il est aussi un peu menteur. C’est pour moi le plus horrible des vices. Je pardonne tout à un homme, oui, bien des folies. Moi, le premier, j’ai fait les miennes. Je ne pardonne jamais, jamais, un mensonge… Nous avons eu, monsieur, par le vieux maître de mon père, de si bons renseignements sur vous, sur votre vie auprès de madame votre mère, sur votre dignité, sur votre droiture, que nous comptons beaucoup sur votre influence. Votre âge vous permet d’être justement pour Lucien un camarade autant qu’un précepteur… L’exemple, voyez-vous, c’est le meilleur des enseignements. Dites à un conscrit qu’il est noble et beau de marcher au feu, il vous écoutera sans vous comprendre. Marchez-y devant lui, crânement et il devient plus crâne que vous… Quant à moi, je rejoins mon régiment dans quelques jours, mais, absent ou présent, vous pouvez compter sur mon appui, s’il s’agit jamais d’une mesure à prendre pour que cet enfant devienne, ce qu’il doit devenir, un homme qui puisse servir bravement son pays et, si Dieu permet, son roi… »

Ce petit discours, que je crois bien vous repro-