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visage de Hilda, elle dit : « Miss Campbell, je vous répète que je ne vous connais pas plus que vous ne me connaissez. Mais j’ai senti, quand je vous ai vue, que je ne pourrais pas croire de vous ce dont vous accusait cette lettre… Enfin, j’ai confiance en vous. J’ai un extrême intérêt, » insista-t-elle avec une énergie singulière, « à savoir qui est vraiment M. de Maligny. Si j’apprenais de lui ce que prétend cet affreux billet, qu’il est capable de faire la cour à plusieurs personnes à la fois, je cesserais de l’estimer, et, pour moi, ne plus estimer, c’est… » Elle s’arrêta encore. Puis, passionnément : « Si c’est Mme Tournade qui m’a écrit cette lettre, pourquoi l’a-t-elle fait ? Elle veut épouser M. de Maligny, prétend-on. C’est donc vrai, et elle croit que vous avez le droit de l’en empêcher. Qu’y a-t-il de vrai dans ce qu’elle croit, et pourquoi le croit-elle ? »

— « Je ne devrais peut-être pas vous répondre, mademoiselle, » dit Hilda en hochant de la tête avec l’orgueil un peu sauvage qui la rendait farouchement jolie. Toutes sortes de cordes avaient été touchées dans la jeune fille pauvre, et de modeste origine, par cet étrange appel de la jeune fille noble et riche. La loyale Anglaise avait été émue et reconnaissante de cette simple manière de s’adresser à sa loyauté. Ses compatriotes ont une expression : le fair play, — notre franc jeu, mais plus solennel, — qui définit tout le prix qu’ils attachent à cette sorte de procédé. Elle n’eût pas été de son pays, si elle n’eût pas été sensible à cette loyauté. D’autres phrases lui avaient percé le cœur. L’évidence des roueries de celui qu’elle avait mis si haut l’accablait. Elle ne l’en aimait pas moins. Elle voyait déjà, dans la réponse à donner à sa rivale, un moyen d’abord, de se disculper des reproches qu’il lui avait adressés tout à l’heure, — un moyen, surtout, de prouver cet