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soleil, déjà haut dans le ciel, et dégagé des nuages du matin, remplissant, maintenant, la chaussée d’une plus dure lumière. Elles pouvaient, à quelques mètres derrière elles, entendre les voix indistinctes des deux cavaliers qui les suivaient. Le fidèle John avait interprété le regard de Hilda comme un ordre de ne pas troubler le tête-à-tête si évidemment cherché par Mlle d’Albiac. Il avait donc engagé le père dans une de ces discussions hippiques où les vrais amateurs de chevaux oublieraient que leur maison brûle et que l’on assassine leur femme. Une fanfare éclatait de temps à autre dans les profondeurs du bois, tantôt lointaine, puis plus rapprochée. Des voitures croisaient les deux jeunes filles, ou bien d’autres cavaliers et d’autres amazones, précipités dans la même direction… Encore dix autres minutes et les deux rivales auraient rejoint le reste de la chasse, et elles ne s’étaient rien dit. Ce fut Louise d’Albiac qui commença, brusquement :

— « Miss Campbell, je ne vous connais pas, et vous ne me connaissez pas… Il faut que je vous parle. Il le faut… Mais je veux de vous une promesse… Jurez-moi sur ce que vous avez de plus sacré au monde, sur votre mère, que jamais personne » — elle souligna ce mot — « ne saura rien de ce que je vous aurai dit… »

— « Je n’ai plus ma mère, mademoiselle, » répondit Hilda, avec une angoisse dans les prunelles. Qu’allait-elle devoir écouter qui achèverait, peut-être, de lui percer le cœur ? Elle ajouta, pourtant : « Je vous le promets sur sa mémoire. »

— « Merci… » reprit Louise, sans oser regarder sa compagne, tant elle se rendait compte qu’elle osait une action énorme, et comme si elle éprouvait le besoin de s’en justifier, non seulement à ses propres yeux, mais à ceux de l’autre, elle continua : « J’ai pris