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l’une et l’autre, cavalcader devant elles, si élégant dans son habit rouge, si peu tourmenté du remords de sa triple intrigue, elles se prononçaient le même monologue, tout bas, presque dans les mêmes termes.

— « Que cette miss Campbell est jolie ! » se disait Louise d’Albiac.« Est-il possible que cette infâme lettre m’ait rapporté la vérité ?… Mais pourquoi me l’a-t-on écrite à moi ?… J’aurais dû la montrer à mon père. Il est un homme, lui, il aurait pu savoir… Je la lui montrerai… Et si ce n’est pas vrai, pourtant ? Si l’auteur de cette lettre a voulu seulement m’être pénible, m’indisposer contre M. de Maligny ?… Alors, moi, je ferais ce tort à cette jeune fille d’appeler l’attention sur elle ? Pour savoir, mon père devrait chercher. Il prononcerait son nom… Je ne dois pas… Mais qui a pu m’écrire cette lettre ?… Si c’était cette Mme Tournade ?… Quelle idée ! Je ne croirai jamais qu’une dame ait commis une pareille vilenie… Pourtant, je me souviens, j’ai vu M. de Maligny bien empressé avec elle, durant notre voyage. Je sais qu’il dîne chez elle, qu’elle l’emmène au théâtre. On m’a raconté qu’il voulait l’épouser… L’épouser ? Lui ? Une femme si commune ?… Dieu ! qu’elle monte mal et qu’elle a l’air prétentieux !… Ce n’est pas une raison pour que je la suppose capable d’une infamie. Je ne dois pas non plus. Elle n’a pas plus écrit la lettre qu’il ne l’épousera… Non, non, non.. L’épouser ? Comme je comprendrais plutôt qu’il épousât cette miss Campbell ! Ce serait une mésalliance, mais si expliquée… Qu’elle est jolie, et fine, et lady, aussi lady que l’autre l’est peu ! Si M. de Maligny lui faisait la cour, cependant, comme prétend la lettre ?… Alors, pourquoi se serait-il occupé de moi ?… Ce serait d’un trop malhonnête homme de mentir ainsi