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Or, si quelqu’un sait que je ne lui ai parlé ni de cheval ni de quoi que ce soit, l’autre jour, c’est lui. Donc, il est le complice de Hilda. Ça, c’est un fait. En voici un autre : si son attitude d’il y a six mois avait été sincère, cette complicité n’aurait jamais eu lieu. Donc, cette attitude, il y a six mois, n’était pas sincère… Et je n’ai pas su le voir ? Où avais-je l’esprit ?… La petite, » — il l’appelait déjà de ce terme irrévérencieux, — « la petite est bien jolie. Mais elle n’a pas changé de visage, depuis six mois. Or, elle porte l’intrigue écrite sur sa figure, comme avec des mots sur un papier… Je n’ai pas su voir cela non plus. Encore une fois, où avais-je l’esprit ?… Elle m’étudie du coin de l’œil. Elle est étonnée de mon indifférence et de ma belle humeur. Elle m’a cru sa dupe, même quand j’ai rompu… Pourquoi, alors, n’a-t-elle pas essayé de me faire revenir plus tôt ?… Pourquoi ?… Mais elle savait que j’avais quitté Paris. Elle n’a pas voulu perdre sa peine. Elle attendait mon retour et une occasion. Peut-être y a-t-il eu place, dans l’intervalle, pour quelque Machault, quelque La Guerche, ou autres rajahs… »

On n’a pas oublié les calomnies que ses camarades de fête, les Portille, les Mosé, les Longuillon, — belles âmes ! — avaient joyeusement rapportées à Jules. Un regard de Hilda avait suffi pour exorciser, autrefois, les flétrissantes visions. Elles revenaient. Un autre regard y avait de nouveau suffi, aussi obscur, pour Jules, que l’autre lui avait paru transparent. Mal d’autrui n’est que songe… — disent, entre deux peteneros, les gitanes d’Andalousie. Que ce proverbe est tristement vrai, si vrai que le narrateur de cette anecdote sentimentale aurait pu l’écrire à la première page de son récit ! C’en eût été le résumé anticipé, et aussi l’excuse, ou l’atténuation, de la formidable forfaiture d’amour commise par