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avait raconté, en étudiant l’effet de ses paroles avec une attention très significative, sa visite aux Campbell, la veille. Maligny s’était aussitôt demandé, ne se connaissant pas d’ennemis, qui avait pu dénoncer, à la veuve, ses anciennes assiduités. L’idée lui était venue que Corbin était le coupable. Puis, il avait réfléchi qu’un tel renseignement, donné à Mme Tournade, avait évidemment pour but de le brouiller avec elle. Or, en admettant, chose très naturelle et même probable, que le cousin de Hilda eût eu vent du mariage possible de l’ancien fiancé de sa cousine avec la millionnaire, quel intérêt avait-il à se mettre en travers ? Quel intérêt, surtout, à mettre en rapport les deux femmes, alors que tout son effort avait tendu à isoler cette cousine avec une passion d’amoureux jaloux ?… Non, ce n’était point Corbin qui avait prévenu Mme Tournade. Qui, alors ?… Mais pourquoi pas la même personne qui avait, au même moment, dicté à Campbell ce billet destiné à faire revenir Jules rue de Pomereu ?

Le jeune homme avait discerné, derrière l’une et l’autre action, un travail secret de Hilda. Pour arriver à quoi ? Il ne s’était pas répondu qu’un semblable procédé contrastait trop absolument avec l’attitude que la jeune fille avait observée lors de leur rupture. Il s’était dit : « On lui a annoncé mon mariage avec une femme très riche. Elle veut l’empêcher, pour se venger. » Il avait bien eu un passage de subite mélancolie à cette idée, et il hésitait tout de même à infliger cette flétrissure gratuite au plus romanesque de ses souvenirs. Le propre des natures comme la sienne, d’une personnalité si changeante, c’est de n’avoir jamais une vraie certitude sur les caractères qui devraient le mieux leur être connus. « Après tout, » avait-il continué, « qu’est-ce que j’ai su d’elle et du cousin ?… Si elle avait été une intrigante,