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très fort. Pourtant, la lettre dont ses yeux ne pouvaient pas se détacher n’était pas celle-là. C’était celle de Bob Campbell. Hilda ne s’était pas trompée dans ses prévisions. La démarche du marchand de chevaux, succédant aussitôt à la rencontre avec Corbin, était trop énigmatique pour que la curiosité du jeune homme n’en fût pas surexcitée au plus haut degré. N’ayant pas parlé à l’écuyer, et sachant, d’autre part, Campbell incapable d’un mensonge, comment n’eût-il pas deviné la réelle inspiratrice de ce message ? Cette lettre était un rappel de Hilda. Pourquoi ? Mais parce que le cousin l’avait vu, lui, Jules, la veille, galoper dans la forêt de Chantilly avec Mlle d’Albiac et qu’il l’avait raconté à qui de droit. La logique des engagements que le jeune homme avait pris avec sa mère et avec lui-même aurait voulu qu’il répondit aussitôt à Campbell qu’il ne voulait pas acheter un nouveau cheval, et dans des termes assez vagues pour que les soupçons du père ne fussent pas éveillés. L’inconstant devait d’autant plus résolument se soustraire à toute reprise de relation avec sa fiancée d’un jour, qu’il se sentait si tendrement attiré du côté de cette nouvelle amie et qu’il s’en devinait aimé. Qu’il continuât, même dans ces conditions, à courtiser un peu Mme Tournade, c’était une faiblesse, mais justifiable. Cela prouvait qu’entre un mariage de goût et un mariage de simple intérêt, il hésitait encore. Une rentrée dans l’existence de l’écuyère était une complication d’un ordre très different. Jules s’était trop admiré lui-même de son absence et de son silence à l’égard de Hilda pour ne pas comprendre qu’en retournant rue de Pomereu il n’était pas loyal. Il n’eut cependant pas une minute d’hésitation. Il avait trouvé la lettre de Campbell en rentrant, à six heures. Dare-dare, il répondit un billet où il annonçait sa visite pour l’après-midi du lendemain. Il