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— « Je n’ai pas chassé, hier, madame… » Puis, interpellant son cousin qui n’avait pas bougé du seuil de la porte… « John, » lui dit-elle, « madame voudrait savoir si M. le comte de Maligny chassait, hier, avec l’équipage de Chantilly. Vous y étiez. Voulez-vous lui donner ce renseignement ?… » Et, au groom qui tenait par le licol la bête sortie du box : « Mettez au cheval ma selle et ma bride, Dick. Je vais le présenter à madame. »

L’humble écuyère avait mis, dans ces rispostes à l’odieuse inquisition de la pseudo-grande mondaine tant de dignité simple ! Celle-ci en demeura déconcertée. Sa jalousie, éveillée par la dénonciation de l’ennemi de Maligny, n’en fut pas apaisée, — bien au contraire. Mais, pour être impulsive et facilement grossière, elle n’en était pas moins femme. Elle avait compris la leçon. Le reste de la visite se passa tout naturellement, sans aucune allusion à l’objet secret de leurs deux pensées, à l’une et à l’autre, si ce n’est qu’en se retirant, la visiteuse dit à la jeune fille, après quatre présentations de chevaux :

— « C’est le premier qui me conviendra, et le troisième, je crois. Je vous écrirai, mademoiselle, pour que vous me les envoyiez tous les deux à Rambouillet, où je chasserai de mercredi en huit. Je vous demanderai de m’accompagner dans cette chasse. Vous monterez celui de ces deux chevaux que je ne prendrai pas. »

— « C’est mon métier, madame, » répondit Hilda, « et j’attendrai vos instructions… »

Elle avait incliné la tête d’un geste à la fois déférent et impersonnel ; mais quand la silhouette lourde et sanglée de la riche veuve ne fut plus visible qu’à travers l’entre-bâillement des battants de la porte, son indignation, trop longtemps contenue, éclata dans une parole de mépris, qu’elle prononça entre ses