Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/238

Cette page n’a pas encore été corrigée

Campbell, dont les bêtes de chasse étaient la spécialité. Elle était donc venue avec son cocher. La mine de ce dernier était impayable, tandis qu’il attendait dans la cour, avec sa maîtresse, l’arrivée de Hilda. Il regardait les têtes des chevaux, apparues par les fenêtres des box, avec la morgue méprisante dont les personnages de cette sorte sont coutumiers quand ils servent des maîtres qui ne sont pas des connaisseurs. Maître Gaultier — c’était son nom — avait l’habitude d’acheter, seul, les animaux qui composaient l’écurie de Mme Tournade, chez des marchands à sa convenance, avec des bénéfices qui variaient de cent pour cent à cent cinquante. Quand sa patronne, après avoir commandé son automobile, lui avait dit : « Gaultier, vous monterez sur le siège, à côté du chauffeur ; nous allons chez M. Campbell, rue de Pomereu, voir des chevaux… »

— « Madame est la maîtresse, » avait-il répondu, « mais je crois devoir prévenir madame qu’elle ne trouvera pas une bête propre chez ce marchand… »

— « Vous me donnerez votre avis, quand je vous le demanderai, » avait répliqué, à son tour, Mme Tournade. Durant le trajet, Gaultier avait oublié son hostilité habituelle à l’égard du mécanicien, ce représentant d’une profession détestée, auquel il n’adressait la parole que contraint, et il s’était lamenté :

— « Il n’y a que des carnes, dans cette maison Campbell… Ils prétendent que leurs chevaux viennent d’Angleterre. Allons donc !… Ils les paient cinq cents francs en vente publique ; puis, ils mettent trois mois à les retaper avec des trucs à eux… Ils vous en demandent, après, des cinq, des six mille balles… Enfin, si la patronne a envie d’être enrossée, ça la regarde. »

Ce mécontentement n’était pas particulier au seul Gaultier, à l’égard de Bob Campbell, — tous les cochers