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feront comprendre encore qu’il ne fût pas seul à subir cette fascination. Ce n’était pas lui qui avait nommé Hilda à Mme Tournade, c’était un autre aspirant à la main de l’archimillionnaire, un des habitués du Bois, lequel n’avait certes pas cru servir la cause du jeune homme en dénonçant sa liaison avec l’écuyère. Ce dénonciateur la connaissait donc, — preuve que l’article du journal envoyé jadis anonymement à la jeune fille n’était vraiment qu’un écho et que l’on avait causé d’elle à propos de son compagnon de promenade, sans bienveillance aucune. Ce racontage avait eu lieu l’avant-veille, précisément à l’occasion de cette chasse en forêt de Chantilly, durant laquelle Corbin avait recueilli les propos que l’on sait. Le délicat roman de Hilda et de Jules avait été présenté à Mme Tournade comme la plus vulgaire histoire d’intrigue et de galanterie. Le rival de Jules s’était bien gardé de dire que, depuis tantôt une demi-année, personne n’avait vu les jeunes gens seulement se parler, et il avait conclu :

— « Je suis curieux de savoir comment cette petite Campbell et Maligny se tiendront vis-à-vis l’un de l’autre, quand ils se rencontreront aux chasses, et ce que dira Louise d’Albiac. Car vous savez que Maligny lui fait la cour aussi, à celle-là !… »

Cette phrase perfide avait eu ce résultat immédiat : Mme Tournade avait écrit à Jules qu’elle le priait de venir déjeuner chez elle le lendemain, qui était le jour de la chasse, ayant un service urgent à lui demander. Le jeune homme avait bien reçu la lettre. Il n’en était pas moins parti pour cette chasse, après avoir répondu un billet d’excuse que la veuve avait déchiré avec toute la fureur de la jalousie tardive. Elle s’était vue bafouée. Le manège de ce subtil Jules avec elle avait toujours consisté, depuis leur rencontre sur le bateau, durant la croisière, à la