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même poète si cher à tous les compatriotes des insulaires de la rue de Pomereu — qu’il y a « beaucoup plus de choses, dans le monde que n’en peut voir notre philosophie. »

Il existait un moyen très simple d’empêcher que cette lettre, même envoyée, n’eût la moindre conséquence : c’était de tout raconter au vieux Campbell, tout — non pas seulement de l’aventure d’aujourd’hui, mais des fiançailles et de leur rupture. Cette franchise réparatrice désarmerait, d’abord, la sévérité du père, pour ce qui touchait au mensonge de tout à l’heure. Il y aurait aussi à cette confession cet avantage : Bob, éclairé sur les causes réelles de la mélancolie de sa fille, lui suggérerait lui-même l’unique remède, une absence prolongée. Il fallait que Hilda quittât et la rue de Pomereu et ce Bois de Boulogne, où le seul aspect des choses renouvelait sans cesse, pour elle, et ses souvenirs et ses regrets. Il le fallait surtout, si le mariage de Jules devait avoir lieu. Rester à Paris, c’était se condamner, un jour ou l’autre, à entendre, dans une chasse à laquelle elle assisterait, des étrangers causer, devant elle, comme avaient causé, devant Jack Corbin, MmeMosé et le comte de Candale. C’était s’exposer à pire : à une rencontre avec Jules lui-même, avec l’une ou l’autre des deux femmes que son cousin lui avait nommées… Oui, le salut était là, dans une confession complète. Après tout, quelle autre faute la tendre enfant devait-elle se reprocher que la vénielle insincérité de ce matin ? Hilda prit la ferme résolution d’avoir cet entretien avec son père, le soir même, sitôt Corbin retiré. Le pauvre Don Quichotte le sentait trop, sa présence était pénible, maintenant, à celle qu’il aimait sans en être aimé, et il disparaissait, le dîner à peine fini, sous un prétexte quelconque, tandis que l’oncle grommelait son éternel :