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Hilda qu’il avait toujours admirée, respectée, presque vénérée autant qu’il l’aimait, consentît à revoir un homme qui lui avait manqué de parole si honteusement, confondait sa raison. À son trouble, il ne doutait plus que Maligny ne l’eût trahie. Que dis-je ? Consentir ? C’était elle qui désirait cette nouvelle rencontre, elle qui se jetait à la tête de ce misérable. Et, pour rentrer en relations avec lui, quel procédé avait-elle eu l’idée d’employer ?… Pourquoi s’était-elle avisée de ce mensonge qui l’aurait révoltée, jadis ? Pourquoi ?… Et, devant l’inconnu que lui représentait un tel changement de caractère, le fidèle cousin avait tremblé.

Ce qu’allait faire la pauvre Hilda ?… Elle-même le savait-elle ? Il en est de certains états de passion très aigus comme du jeu, comme de la guerre, comme du duel, de ces circonstances, rapides et tragiques, où nous nous trouvons obligés d’agir, non pas demain, non pas tout à l’heure, mais à la minute, à la seconde. Nous comprenons, nous sentons plutôt, que le plus léger atermoiement risque d’être fatal. Notre être intime se tend alors dans des à-coups de volonté, dont nous ne mesurons pas l’exacte portée. De cette promenade, prolongée parmi les incohérences et les soubresauts d’une sensibilité blessée dans sa fibre la plus secrète, la jeune fille avait rapporté deux résolutions : celle d’abord, d’empêcher à tout prix ce mariage de Maligny. Vingt hypothèses lui avaient traversé la tête. La seule idée lui en était si insupportable qu’elle avait pensé à trouver l’adresse de Mme Tournade, à courir chez elle pour lui dire… quoi ? Qu’elle aimait Jules, que celui-ci lui avait fait croire qu’il l’aimait, qu’ils avaient été fiancés ?… Et ensuite ? Si primitive qu’elle fût et profondément ignorante de certaines choses de la vie, elle s’était pourtant rendu compte