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pas été formulé sans une crise de larmes, où Mme de Maligny avait pu reconnaître qu’il s’agissait là d’un caprice très voisin d’être un sentiment. Elle avait compris que, cette fois, son fils était bien près du véritable amour. Elle en avait été assez effrayée pour lui demander, comme une preuve de sa sincérité, qu’ils quittassent Paris ensemble. À plusieurs reprises, le docteur Graux avait parlé, pour elle, d’un séjour à Nauheim, dont les eaux, à cette époque, et grâce à l’engouement des médecins français à l’égard des théories germaniques, passaient pour être quasi miraculeuses dans le traitement des maladies de cœur à leur début. Toujours, elle s’était refusée à ce déplacement, comme trop coûteux, et puis les deux mois de traitement à subir là-bas supposaient une trop longue séparation d’avec Jules. Aujourd’hui ce voyage aux eaux se présentait, au contraire, comme un moyen de salut providentiel, du moment, qu’elle pouvait emmener le jeune homme avec elle. Ils étaient donc partis tous les deux et le lendemain ! De Nauheim, où ils avaient passé les mois de mai et de juin, ils étaient allés, soi-disant pour profiter du voisinage, faire un séjour chez un de leurs cousins, le dernier survivant des Nadailles, aux environs de Vesoul.

La veuve avait confié ses légitimes inquiétudes à ce parent, vieux gentilhomme dévot, lequel avait désiré, lui aussi, participer au sauvetage du jeune homme. Cette charité familiale s’était traduite par un fort cadeau d’argent destiné à permettre que l’amoureux prît part à une croisière du genre de celle dont il avait parlé à sa mère. Jules de Maligny s’était donc embarqué pour la Suède et la Norvège, sur un paquebot de plaisance, en compagnie d’une centaine de touristes. On verra qu’il y avait rencontré, non pas de quoi oublier Hilda, car il avait dit vrai dans sa lettre, et le svelte fantôme de