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réglé de son courtage et des arriérés de la pension de l’animal. La seconde, adressée à Hilda, n’était pas plus explicite. Elle ne renfermait que quelques phrases, mais quel infini de tristesse, pour celle qui les avait lues et relues, dans cette cour, à deux pas du réduit dont les pauvres meubles, le bureau, les chaises, la vieille horloge, attestaient, cependant, qu’elle n’avait pas rêvé, que vingt-quatre heures plus tôt le parjure était là, demandant à la jeune fille sa loi, engageant la sienne. Maintenant, il lui écrivait :

« C’est vous qui aviez raison tout à l’heure, Hilda. Je viens de parler à ma mère. Elle savait déjà quelque chose. Les visites de M. C…, d’abord pour prendre de mes nouvelles, purs hier, lui avaient été rapportées. Elle avait deviné votre existence. Quand je lui ai dit la vérité, elle a eu une syncope devant moi. Je l’ai vue tomber sur le parquet, toute pâle, les yeux éteints ne respirant plus. Le médecin est venu aussitôt. Il avait diagnostiqué chez elle, depuis longtemps, une maladie de cœur. Il l’a jugée aggravée et il ne m’a pas caché que toute émotion très forte risquerait d’amener un dénouement fatal. Nous avons causé, la chère malade et moi, longuement. Je me suis rendu compte que ce mariage la tuerait. Vous qui avez tant aimé votre mère, Hilda, vous comprendrez la résolution que mon devoir envers la mienne m’ordonne de prendre. Nous, quittons Paris. Elle m’emmène et je me laisse faire. Je lui ai donné ma parole de ne plus vous revoir. Je ne vous dis rien de ce que je souffre. J’ai été coupable envers vous, bien coupable, de vous parler comme j’ai fait, avant d’être sûr que je pourrais tenir ma promesse. Mon excuse est dans ma sincérité, qui a été absolue. Ne me répondez pas et oubliez-moi, Hilda. Moi, je ne vous oublierai jamais. »