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— « C’est moi qui lui parlerai, » répondit-elle. « Vous savez que nous sommes restés très Anglais, quoique nous vivions en France depuis bien longtemps. Chez nous, les filles s’engagent toutes seules, et elles ne préviennent leurs parents qu’après… Laissez-moi disposer mon père… Il le faut. L’idée de se séparer de moi lui sera un peu pénible, et plus pénibles les souvenirs que mes fiançailles évoqueront en lui. Il se rappellera son mariage. Il pensera à ma pauvre maman… Revenez comme si de rien n’était, demain et les jours suivants. Quand je croirai le moment arrivé, vous le saurez… »

— « Mais M. Corbin l’avertira… ? » interrogea-t-il.

— « Jack ? » dit Hilda. « Il n’a jamais parlé à personne des affaires de personne. Il ne commencera pas par moi… Ce que je vous demande, moi, » — et elle eut, de nouveau, ce sourire de coquetterie tout ensemble caressante et inquiète qu’il ne lui connaissait pas avant ce jour. Dieu ! Comme cet éveil de la femme en elle la rendait plus jolie encore ! Comme il la sentait amoureuse et frémissante ! — « ce que je vous demande, c’est d’être très patient avec lui, ces jours-ci. Il ne sera peut-être pas aimable. Il en sera de lui comme de mon père. Ils s’habitueront difficilement à l’idée de mon départ… Alors, il y a beaucoup de chance pour que Jack vous en veuille un peu » — elle hésita une seconde — « et pour qu’il ne vous le cache pas… »

— « Je supporterai ses mauvaises humeurs, » répondit le jeune homme, « de quelque manière qu’il les manifeste, et sans grand effort, je vous jure… Ce sera pour vous… Pour vous ! » répéta-t-il. « Je voudrais tant pouvoir faire quelque chose pour vous, mais de vraiment difficile, de vraiment pénible, et qui vous prouvât ce que vous m’êtes. »

— « Cher, cher Jules… » soupira Hilda Campbell,