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— « Elle se serait faite toute seule, » s’écria-t-il passionnément. « Il y a si longtemps que c’était mon désir et que je n’osais pas ! Cette visite de M. Corbin m’a donné le courage qui me manquait. J’ai compris, à sa façon pressante de me parler, que je ne vous étais pas indifférent. »

— « Dès le premier jour que je vous ai connu, » répondit-elle, en secouant sa tête pensivement, « je vous ai aimé… Si vous saviez comme j’ai souffert, quand j’ai cru que vous alliez me parler autrement que vous ne deviez, vous vous rappelez ? C’est lorsque nous sommes sortis ensemble pour essayer votre cheval. J’ai eu si peur de vous et de vos manières… Je m’étais fait une telle idée de vous, tout de suite, et, tout de suite aussi, la terreur de cette désillusion !… Voilà pourquoi je me suis sauvée… Mais vous êtes revenu. J’ai compris que je m’étais trompée dans mon appréhension… Dieu ! que cela m’a été doux !… On a tant besoin d’estimer celui que l’on aime, et je vous ai tant estimé, alors et depuis… »

— « Chère, chère Hilda !… » répondit Jules. Ils s’étaient assis de nouveau l’un près de l’autre. L’expérience de tout à l’heure les avait avertis de l’insécurité de leur solitude. Mais leur besoin de se donner un signe, sensible de leur tendresse fut, encore cette fois, plus fort que la prudence. Ils s’étaient pris les deux mains et ils se regardaient. Cette étreinte et ce regard faisaient courir, dans leurs veines, une telle douceur, et si enivrante, qu’ils restèrent sans parler de longues minutes. Ni elle ni lui n’auraient su dire combien. Aucun bruit ne leur arrivait que celui de la grande horloge posée dans sa gaine d’acajou marqueté. Le balancier allait et venait, les leur mesurant, ces minutes, comme il avait fait, dans la vieille ferme du Yorkshire, aux accordailles plus rustiques, —