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tout entendre et je veux tout savoir… Vous ne voudrez pas me rien cacher en ce moment ?… »

— « Ni en ce moment, ni Jamais… » répondit Jules. Il ne devinait pas à quelle impression de particulière angoisse la tendre enfant obéissait en lui posant ces questions avec cette impatience. Elle se défendait, dans son bonheur, contre un remords : elle venait de voir souffrir, et pour elle, un cœur qu’elle savait si dévoué, si généreux aussi. Le jeune homme crut qu’elle avait eu vent de l’article tendancieux et calomniateur, par quelque phrase maladroite ou méchante d’un client de l’écurie peut-être celui qui l’avait inspiré. Il expliquait ainsi, on s’en souvient, l’origine de l’odieux entrefilet du petit journal. Il pensa que le plus sage était de rassurer Hilda sur ce point, et il ajouta :

— « C’est si simple… M. Corbin a un culte pour vous… Il a trouvé que mes assiduités risquaient de faire causer… Il est habitué à mener ses chevaux droit sur l’obstacle. Il m’a traité comme l’un d’eux… Il a débarqué chez moi, ce matin, et il m’a déclaré tout net que je vous compromettais et qu’il n’y avait qu’un moyen de couper court aux commentaires possibles : quitter Paris, voyager, de telle sorte que mon absence de la rue de Pomereu parût naturelle, même à vos yeux. C’était là ce qu’il appelait faire mon devoir. J’ai, d’abord, été de son avis. Puis j’ai senti qu’il m’était trop dur d’être privé de votre présence… Je suis venu pour avoir avec vous une explication. Je l’ai eue… Et que j’ai eu raison de l’avoir ! J’ai pu, enfin, vous dire que je vous aimais, et vous entendre me dire que vous m’aimiez… »

— « Alors, » demanda-t-elle, avec un demi-sourire de coquetterie émue et aussi d’inquiétude, « si Jack n’était pas allé chez vous aujourd’hui, cette démarche que vous venez de faire, vous ne l’auriez pas faite ? »