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— « C’est bien, » dit-il après une hésitation. « J’espère que vous serez heureuse. » Puis avec autant de flegme que si une scène décisive du drame de sa vie ne se jouait pas à cette minute entre lui et ce couple d’amoureux, il passa, sans autres commentaires, à un ordre d’idées tout professionnel. « Je suppose, Hilda, que vous n’allez pas faire sortir la jument baie. Elle n’a déjà pas travaillé hier. Ne vous dérangez pas. Je vais lui mettre une selle et une bride, et lui donner un temps de galop au Bois. Elle en a besoin. »

Cinq minutes plus tard, Hilda et Jules pouvaient voir, à travers la fenêtre qui avait servi à surprendre Leur naïf baiser, le peu complimenteur personnage seller, en effet, de ses mains, la jument baie dont il avait parlé. Il la brida, resserra les sangles, — le tout avec la précision méthodique et tranquillement rapide qui lui était habituelle. Il sauta sur le dos de la bête et disparut. Les jeunes gens étaient demeurés muets, à suivre des yeux ces mouvements, Maligny n’osant pas regarder sa fiancée d’un quart d’heure, à laquelle il allait déjà être obligé de mentir, — elle, comme perdue dans des réflexions qu’elle était enfin obligée de se formuler sur la nature des sentiments que lui portait son cousin. Elle rompit ce silence, la première, pour interroger Maligny sur un point de ce bref entretien qui lui avait été une révélation :

— « Vous avez vu mon cousin, aujourd’hui ? Pourquoi ne m’en aviez-vous pas parlé ? »

— « Je n’ai plus pensé à rien, qu’à ce que nous disions… » répondit-il.« C’était bien naturel. »

— « Mais qu’était-il venu vous dire ? » insista-t-elle, presque fiévreusement. « Mon nom avait donc été prononcé entre vous ? Dans quelles circonstances ? De quoi s’agissait-il pour qu’il ait pu vous demander de faire ce que vous deviez et à mon propos ? Je peux