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arrivée rue de Pomereu avait tout l’air de constituer le plus caractérisé des parjures. Il y a longtemps qu’un proverbe, irrespectueux, mais d’une vérité trop éprouvée, assimile les promesses des amants à celles des joueurs, et il faut le dire, — comparaison qui ne choquera pas dans la cour d’un maquignon écossais, — à celles des ivrognes. L’article du journal avait paru à Maligny bien infâme. Corbin lui avait paru bien éloquent. Lui-même, en s’engageant à rompre des relations dont le danger venait de lui être démontré, il avait été bien sincère… Mais Hilda Campbell relevait sa tête avec un geste si gracieux ! En l’apercevant, un éclair si chaud avait passé dans ses yeux si bleus ! Un sourire si ému avait épanoui sa bouche si pure !… Le journal calomniateur avait-il jamais existé ?… Corbin était-il jamais venu rue de Monsieur ?… Jules s’était-il jamais engagé à quoi que ce fût ?… À coup sûr, il n’en savait plus rien, en s’avançant « vers la maîtresse de son cœur », comme disaient les romans de jadis, — un jadis tout pareil à aujourd’hui, par l’inconséquence et l’allégresse, l’illogisme et l’impulsion pour ce qui regarde l’éternelle et toujours jeune folie d’amour !

— « Vous étiez venu parler à mon père pour la vente de Chemineau, » dit la jeune fille, après les premiers mots de politesse, quand Jules fut entré dans la petite pièce. « Malheureusement, » ajouta-t-elle, « il n’est pas là ». Le fourbe avait en effet imaginé cette nouvelle fable après vingt-cinq autres, ces derniers temps, pour justifier des visites plus fréquentes encore. Il prétendait vouloir troquer le cheval cap de maure contre un autre, avec une soulte. On admirera par quel détour d’ingéniosité cette invention était devenue, dans l’entretien avec la mère, une offre d’achat de Galopin. Hilda Campbell n’avait, comme on voit, pas plus de doutes sur la