Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/154

Cette page n’a pas encore été corrigée

— « Mon Dieu ! rien n’est décidé… Au fond, ce n’est même pas un projet… J’ai, tout simplement, reçu une circulaire relative à une croisière intéressante : deux mois sur un bateau des Messageries, avec un nombre de passagers limité… On doit s’embarquer à Marseille et faire le tour de plusieurs îles, la Corse, la Sardaigne, la Sicile… C’est une jolie fantaisie, n’est-ce pas ?… »

— « Pour ceux qui n’ont pas une vieille maman malade, de soixante-trois ans, oui… » dit Mme de Maligny, presque craintivement. Elle ajouta : « Et puis, avec les travaux que tu as décidé de faire a La Capite, et tu as eu raison, notre budget n’est pas très large, cet été. » Le jeune homme avait, durant son séjour en Provence, où il s’était cru horticulteur et viticulteur pour la vie, ordonné, dans la propriété, plus de modifications que l’on n’en avait exécuté depuis le veuvage de la comtesse. Elle continua, pourtant, cédant déjà : « De combien serait la dépense de cette croisière ?… »

— « Je ne me rappelle pas, » répondit Jules. « Et cela n’a aucun intérêt, puisque je n’ai pas l’intention d’y prendre part… Vous laisser inquiète, et moi-même être à plusieurs jours de nouvelles de vous, — non, non et non… Êtes-vous rassurée, maintenant ? »

— « Faire mon devoir ? », se disait-il, vingt-cinq minutes plus tard, tout en écoutant le bruit de son pas sur le pavé solitaire de la rue de Monsieur. Après avoir rassuré la douairière, dans un accès de tendresse aussi instinctif et irraisonné que son accès de chevalerie de tout à l’heure, il avait pris sa canne, ses gants, son chapeau. Il sortait, sans but, afin d’y voir un peu clair dans sa pensée, que ces quelques phrases échangées avec sa mère avaient, de nouveau, retournée sens dessus dessous. Il n’y avait pas bien