Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/146

Cette page n’a pas encore été corrigée

verve oratoire, il redevenait l’homme de peu de paroles qui n’ajoute pas de commentaires inutiles à la réalité du fait. Pourtant, une question lui vint aux lèvres qu’il hésitait à poser. Brusquement, il la formula, avec le même laconisme. « Et quand ? », interrogea-t-il.

— « Il me faut quelques jours, » répliqua Maligny. « Je ne suis pas aussi libre que vous semblez le croire… Je vis avec ma vieille mère. Je ne peux partir pour un voyage qu’après l’avoir consultée. Mais je vous répète que je ferai mon devoir. Je vous en donne ma parole d’honneur. »

Il y eut, entre eux, un nouveau silence que l’étrange personnage rompit en disant, avec son guttural accent, ce simple mot : — « Adieu. » Il prit la main de Maligny et il la serra, cette fois, d’une énergique étreinte, comme le premier jour où le sauveur de sa cousine lui avait été présenté. Ce fut le seul signe de son émotion que cette espèce de « coup de pompe, » — comment définir mieux le geste par lequel un féal sujet de Sa Majesté la Reine ou le Roi d’Angleterre vous désarticule l’épaule, pour bien vous prouver la force de sa sympathie ? — Puis il disparut de la chambre, toujours sans soulever sa casquette.

— « Je sais le chemin, » avait-il répondu au mouvement de Jules, s’avançant vers la porte pour le reconduire. Déjà, les longues jambes qui lui servaient d’étau à dompter tous les chevaux avaient descendu le vaste escalier de pierre, jadis orné de si belles tapisseries. Il y avait eu là des chefs-d’œuvre exécutés à Beauvais pour Mgr de Maligny, l’évêque de Bayeux, sous la direction d’Oudry, et qui représentaient les principales scènes de Molière. La trace des crochets auxquels ces merveilles furent suspendues existait encore. Quant aux tapisseries elles-mêmes, elles