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à un homme. Il avait été vrai avec Maligny, comme il l’était avec lui-même. Il avait pensé et senti tout haut, sans rien ménager chez son interlocuteur, sans rien dissimuler non plus. Il n’avait pas essayé une minute de nier l’intérêt éveillé chez la jeune fille par la cour de Jules, si insinuante dans son silence, si pressante dans sa docilité. Comment celui-ci n’eût-il pas tout pardonné au témoin qui lui apportait une preuve indiscutable d’un succès de cette adroite cour, auquel il n’avait pas osé entièrement croire ? Ce trait seul prouvera qu’à cet instant, du moins, il ne jouait pas la comédie. La grâce de Hilda Campbell avait vraiment fait de lui un amoureux, avec toutes les naïvetés, toutes les timidités aussi que ce mot comporte, si beau quand il est réellement mérité. Il avait, jusqu’ici, douté du sentiment qu’il inspirait, même en jouissant de l’inspirer. Il avait craint, contre l’évidence. Ah ! Corbin pouvait lui prodiguer les mots de condamnation, d’insulte même. Qu’importait à Jules, du moment que dans le même souffle, l’autre lui affirmait que Hilda l’aimait ? Ce cœur virginal, et dont il savait la pureté, s’était donc donné à lui. Combien profondément, combien absolument, cette exaspération de Corbin l’attestait assez. Jules était tenté de lui en dire merci, et d’une voix attendrie, presque aussi douce que celle de l’autre avait été âpre et rude, il répondit :

— « Vous me voyez confondu de ce que vous venez de m’apprendre, monsieur Corbin… confondu… », répéta-t-il, « et très ému… Je veux penser encore que votre affection pour miss Campbell suscite en vous des inquiétudes sur sa paix intérieure qui ne sont pas justifiées… Je vous assure que jamais elle n’a été, avec moi, d’une façon qui me permît de supposer… »

— « Non-sens, » interrompit jack, non moins brutalement. « Vous vous donnez des prétextes, pour ne