Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/132

Cette page n’a pas encore été corrigée

de sa mère et soignait le cheval, vint l’appeler avec une mine de mystère et lui dire :

— « C’est le milord qui prenait des nouvelles de monsieur le comte, quand monsieur le comte était malade… Il veut absolument parler à monsieur le comte… Il est à cheval. Puis-je mettre sa bête dans l’écurie de Galopin ?… »

Sur quels indices ce psychologue de la loge avait-il deviné que son jeune maître s’engageait dans un nouveau roman et qu’à ce nouveau roman le silencieux Anglais était intimement mêlé ? Il l’avait deviné, justifiant ainsi la spirituelle boutade de ce délicat et génial observateur que fut Henri Meilhac. Vous rappelez-vous la Mi-Carême ? Le viveur Boislambert a tenu, par caprice, un soir de carnaval, la place de portier chez une demi-mondaine dont il est fou. « Ah ! » gémit-il, épouvanté des complications qu’il vient de constater dans l’existence de la dame durant cette courte séance de cordon, « j’ai été l’amant de Marguerite pendant vingt-deux mois. J’ai été son portier pendant cinq minutes. Eh, bien ! il me semble que j’en ai beaucoup plus appris sur elle, en étant son portier pendant cinq minutes, qu’en étant son amant pendant vingt-deux mois. » Et le portier de répondre, en hochant la tête : « Jugez, monsieur, jugez ce que vous auriez appris, si vous aviez été son amant pendant cinq minutes et son portier pendant vingt-deux mois !… » Le maître Jacques de la rue de Monsieur n’avait peut-être pas une philosophie aussi avertie, passant ses journées à introduire dans la vieille cour du vieil hôtel de vieux messieurs cérémonieux et de vieilles dames du gratin qui n’avaient rien de commun avec Boislambert et Mlle Marguerite. N’empêche. Il avait eu grand soin de venir en personne avertir Jules, et en se cachant soigneusement de la mère. On était au mois de juin, maintenant, et la veuve se