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Quand ils se séparèrent, ce jour-là, — comme tous les jours et suivant une espèce de convention tacite, — de façon à revenir rue de Pomereu chacun de son côté, à un quart d’heure de distance, elle eut, pour lui dire adieu, son regard habituel, si droit, si franc, et rien de cette insistance inquisitoriale qui laisse deviner, chez une femme accusée, l’anxiété de savoir s’il reste encore, dans celui qu’elle aime, un doute contre elle. Elle était trop sûre qu’en fouillant son passé, semaine par semaine, heure par heure, son pire ennemi n’y découvrirait rien qui permît de seulement l’incriminer. Pour la première fois, à cet instant-là, et comme il la contemplait s’éloignant sous les branches, si souple et si fine, aux balancements de la croupe de sa monture, le plus chimérique des projets traversa l’esprit si influençable du fils de la douairière de la rue de Monsieur. Le soleil, perçant à travers les feuillages, découpait, sur le sable de l’allée, une dentelle mouvante de points d’ombre et de points de lumière. Ce même réseau de reflets obscurs et de clartés vives enveloppait l’amazone et son cheval en train de disparaître, et Maligny songeait :

— « On se donne beaucoup de mal pour arranger, dans le monde, des mariages qui tournent mal… Ne serait-il pas bien plus sage de donner son nom à une créature comme celle-là, si vraie, si naïve, si pure ?… La Guerche n’aurait-il pas mieux fait de suivre son idée et d’épouser cette petite que d’aller prendre cette grue d’Hélène qui, un de ces matins, le trompera avec Gorrevod l’aîné, si ce n’est déjà fait ?… » Il venait à peine d’acquérir la preuve de la légèreté avec laquelle on déchire, à Paris, une réputation de femme, et il s’empressait d’ajouter foi à d’autres propos de club et de bar sur le ménage d’un de ses camarades. « Avec une Hilda, on serait sûr, au moins, de n’être pas trahi… Une Hilda ? Mais on n’épouse pas